Congrès de l’Association francophone pour le savoir

Du curcuma contre les criminels tatoués ?

C’est l’histoire d’un chercheur qui se tache un jour les mains par accident en cuisinant avec du curcuma. Aujourd’hui, ses collègues et lui croient pouvoir tirer profit de l’incident… pour déjouer les criminels tatoués. Explications.

L’incident

L’histoire ne dit pas de quelle recette il s’agit. Mais un beau jour, Gervais Bérubé, professeur de chimie organique à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), se tache les mains avec du curcuma en jouant les marmitons. Il regarde ses doigts jaunes. Puis il a soudain une idée.

La problématique

À l’UQTR, un des collègues de Gervais Bérubé est Frank Crispino, expert en criminalistique qui travaille à élaborer le premier programme d’études complet au Québec en sciences médico-légales – l’application de méthodes scientifiques au domaine criminel. Parmi les questions qui tracassent le professeur Crispino, il y a celle des tatouages effacés. Imaginez que vous êtes un policier. Vous recherchez un homme connu pour avoir un tatouage à un bras. Vous avez le suspect idéal sous la main… mais il n’arbore pas le tatouage en question. Erreur sur la personne ? Ou l’homme a-t-il simplement fait effacer son tatouage au laser pour brouiller les pistes ?

Le besoin

Dans le cas d’une personne morte, on peut fouiller l’épiderme profond pour détecter les traces d’encre laissées par un tatouage effacé. « Mais sur une personne vivante, c’est un peu difficile de dire : on va vous retirer l’épiderme et vous le remettre plus tard ! », lance Frank Crispino. D’où le besoin d’une méthode inoffensive pour reconstituer des tatouages sur des personnes vivantes.

L’hypothèse

En se tachant avec le curcuma, Gervais Bérubé réalise qu’il s’agit d’une substance très colorée, peu chère et parfaitement sécuritaire. Autre avantage : le pigment principal du curcuma, la curcumine, est fluorescent. Si on l’éclaire avec des rayons UV, il réémet de la lumière, ce qui permet d’augmenter les contrastes. « On croit que l’absorption de la curcumine pourrait être différente sur la peau saine et sur la peau lésée résultant d’un tatouage », explique Gabriel Emond, étudiant en chimie à l’UQTR, qui travaille sur le projet. L’idée serait donc de badigeonner la zone où on soupçonne qu’un tatouage a été effacé avec une préparation à base de curcumine, puis de l’examiner à la lumière UV pour y déceler les traces du tatouage. Le projet est encore embryonnaire. Pour l’instant, les scientifiques en sont à peaufiner leurs recettes en laboratoire. Mais dès l’été prochain, Gabriel Emond écumera les centres d’effacement de tatouages afin de trouver des sujets pour tester la méthode.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.